Police de caractère ou fonte
Lorsqu’on parle de typographie, il convient de faire la différence entre les polices de caractères typographiques (la famille) et la fonte (l’une de ses déclinaisons).
Tout d’abord, une police de caractère est un ensemble de lettres, de chiffres et de symboles appelés glyphes ayant un aspect esthétique et morphologique cohérent qui permet de les identifier comme faisant partie de ce même ensemble.
L’Univers, par exemple, est une police (une famille avec ses déclinaisons) alors qu’Univers 45 est une déclinaison, une variante, comme Arial Bold ou Gill Sans Ultra Gras.
En outre, la fonte est, à l’heure du numérique, un fichier informatique d’un logiciel ou d’un programme qui permet à l’ordinateur d’afficher chaque caractère. Ce logiciel prend en compte l’ensemble des tracés vectoriels de chacun des caractères ainsi que d’autres paramètres comme le crénage (kerning : approche entre caractères), des méta-données.
Les polices sont donc soumises au droit d’auteur, alors que les fontes sont protégées par des licences logicielles selon le type d’utilisation.
Comment sont apparues les licences des fontes ?
Pour comprendre les licences, il faut se rappeler qu’avant d’être numériques les polices de caractère étaient des objets physiques : elles étaient sculptées dans le bois, en plomb ou encore sous la forme de matrices rectangulaires ou circulaires pour la photocomposition.
Ces jeux de polices étaient liés à une utilisation locale et à un compositeur travaillant avec une police à un moment précis. Il faut imaginer les casses, les énormes machines de linotype ou monotype ou de photocomposition… Les lettres avaient du corps et l’ensemble pesait son poids.
L’imprimeur achetait la police avec ses variantes : les caractères mobiles ou les matrices pour la fonte des lignes. Il acquerrait ainsi le droit d’exploiter le design d’une police.
La photocomposition, se démocratisant dans les années 60, a donné lieu a un nombre très important de contrefaçons de designs de polices. Les technologies fondées sur la photographie permettaient de copier très facilement sur un négatif les caractères d’une matrice et de proposer le dessin sous un autre nom, sans qu’aucun droit ne soit versé au créateur du caractère original. C’était le cas, par exemple, d’Alphatype, société située à Chicago avec le piratage du Palatino d’Hermann Zapf juste renommé Patina.
À la fin des années 80, la publication assistée par ordinateur est devenu plus répandue et les premiers ordinateurs « grand public » ont été équipés d’un « ménager » afin d’installer de nouvelles fontes et permettre au « logiciel » qui était devenu la police de fonctionner sur un ordinateur.
Les premières licences étaient spécifiquement conçues pour être utilisées sur un ordinateur et ses périphériques de sortie (imprimantes, flasheuses…). Si on souhaitait traiter un document texte avec une certaine mise en forme sur un autre ordinateur, il fallait installer la fonte sur cette machine et donc obtenir une licence.
Au fil des années, les licences ont incorporé des mesures et des modèles de tarification supplémentaires.
Aujourd’hui, les coûts de licence sont basés sur des paramètres quantitatifs : le nombre d’utilisateurs, le nombre d’appareils sur lesquels la fonte va être installée ou le nombre de vues d’un site Web.
Définition de la licence de fonte
Quand les polices étaient encore des objets physiques, vous ne pouviez pas devenir le propriétaire du dessin des caractères lui-même, mais vous pouviez posséder le support physique auquel le dessin était lié.
Les fontes numériques n’ont plus de support physique auquel elles peuvent être attachées (c’est encore plus valable aujourd’hui car elles ne sont plus vendues sur des CD par exemple, ce qui était le cas il y a encore une quinzaine d’années). Il est donc encore plus facile de les dupliquer et partager avec n’importe quel utilisateur et à n’importe quel moment.
De ce fait, l’utilisateur a tendance à oublier le designer (l’auteur de cette fonte) qui en est le seul propriétaire légal.
Les fontes sont avant tout un logiciel et, à ce titre, font l’objet de licences.
Le propriétaire peut donc rendre le contenu disponible à d’autres par le biais d’une licence. Cela signifie que la licence de fonte est l’acte d’accorder la permission d’utiliser une police numérique d’une manière spécifique.
Ainsi, lorsque vous achetez une fonte ou vous téléchargez une fonte gratuite, vous obtenez réellement des autorisations pour l’utiliser selon les conditions décrites dans la licence de fonte spécifique. Ces conditions doivent être clairement définies dans un document officiel qui vous lie – vous et le propriétaire de la fonte numérique – à un contrat qui doit être respecté par les deux parties.
Qu'est-ce qu'un contrat de licence utilisateur final (CLUF) – « End User License Agreement (EULA) » en anglais ?
Les conditions que vous acceptez lors de l’achat d’une fonte payante ou du téléchargement d’une fonte gratuite sont présentées dans un contrat de licence utilisateur final (CLUF). Cet accord stipule tous les types d’usage et toutes les règles et limites que vous êtes tenus à respecter.
Il existe deux types de licences utilisateur :
- La licence utilisateur final standard
- La licence utilisateur final personnalisée
Licence utilisateur final standard
Une licence utilisateur final standard est émise lors de l’achat de fontes individuelles sur les plateformes de vendeurs de polices (comme les fonderies de caractères indépendantes et des revendeurs comme MyFonts, FontSpring, FontShop) et est le plus souvent prédéfinie. Comme il est émis pour les utilisations courantes des fontes, le contrat de licence utilisateur final standard comprend des termes et conditions types.
Licence utilisateur final personnalisée
Répondant aux demandes spécifiques, principalement des entreprises, les contrats de licence utilisateur personnalisée peuvent inclure un nombre plus élevé d’utilisateurs (voire illimité), des licences supplémentaires pour la vidéo, les applications, les droits transférables, etc. Le prix est adapté, par rapport à la portée de l’entreprise, par une consultation et des négociations avec les propriétaires de la police.
En pratique, il existe deux types généraux d’utilisation : personnelle et commerciale.
Licence pour une utilisation personnelle
Connu sous le nom d’utilisation privée « free for personal use », cette licence vous permettra de développer des projets indépendants et sans intention commerciale directe : votre propre site, un projet universitaire ou une affiche pour un cadeau d’anniversaire.
En manière générale, une licence de bureau couvre à peu près tout ce que vous êtes prêt à créer sur votre ordinateur, qui est fournit avec un certain nombre de fontes.
Licence de fontes pour une utilisation commerciale
En matière d’utilisation commerciale, la licence prend en compte tous les types de supports de communication que vous pourriez utiliser pour votre entreprise (en interne et en externe) et pour le compte de vos clients – logos, catalogues, sites, bannières publicitaires…
Travailler au nom des clients signifie que vous êtes responsable du choix des fontes et des bonnes licences. Vous devez vous assurer que les polices viennent avec une licence appropriée et que tous les usages du client sont couverts par le contrat de licence utilisateur final.
Exemples de licences de fontes selon l'usage
Ce que vous prévoyez de faire avec une fonte est l’indicateur le plus pertinent des types de licence que vous devez rechercher.
Une seule fonte peut faire l’objet de nombreux cas d’utilisation, nous en distinguons deux catégories principales :
- Licences courantes
- Licences supplémentaires
Licences courantes
Bureau
Cette licence couvre la plupart des utilisations commerciales des fontes. Elle permet de créer des designs graphiques (logos, supports imprimés, enseignes…) et tous les produits hors ligne, pour vous et vos clients. Les produits finaux peuvent être vendus dans un but lucratif tant que la typographie n’est pas le principal argument de vente du produit. L’intégration de polices avec une licence de bureau est limitée dans la plupart des cas, à quelques exceptions près (le PDF par exemple).
Cette licence est limitée par le nombre « d’utilisateurs » et d’appareils utilisant la police. Pratiquement, elle vous permet d’installer une police sur votre ordinateur, éventuellement sur votre ordinateur portable et de l’utiliser à des fins hors ligne. Presque toutes les licences de base prévoient d’une à trois installations.
Le nombre d’utilisateurs autorisés à installer la fonte sous la licence émise ne doit pas être dépassé. Il est strictement illicite de donner les polices sous licence de bureau à des clients : ils devront acheter leur propre licence de bureau.
Fonte web
Une licence de fonte web vous permet d’intégrer des fichiers de fontes dans le code CSS de votre site web.
Vous recevrez des instructions et des fichiers spécialement conçus pour le web. Ainsi, une fois incorporées, les fontes s’afficheront correctement sur l’écran de l’internaute. Lorsque vous utilisez une fonte pour le web, vous pouvez être invité à intégrer du code dans votre site afin que le fournisseur ou la fonderie puisse suivre votre trafic.
Lorsque les utilisateurs accèdent à votre site web, leur navigateur web télécharge automatiquement vos polices et elles sont intégrées temporairement pour la session.
La spécification de fontes pour la licence web est différente de l’utilisation de polices pour les applications de PAO ou de traitement de texte.
Les polices web sont limitées par le nombre de « pages vues » mensuelles, qui mesurent le trafic des utilisateurs vers vos pages web. Dans de cas rares, les licences de fontes web n’auront aucune restriction de trafic et fonctionneront à la place sur une durée limitée.
Si vous prévoyez d’utiliser une image qui inclut une police dans un environnement web, vous n’aurez pas besoin d’une licence de fonte web, mais d’une licence de bureau.
Аpp
Si vous ou vos clients envisagez de créer une application d’accompagnement en plus du site web, la licence de fontes web exclut l’utilisation de polices dans le logiciel d’application. Si vous devez incorporer une police dans le code d’une application, vous aurez besoin d’une licence de police d’application distincte. Le plus souvent, celles-ci sont fournis par l’application et les coûts peuvent augmenter à mesure que la base d’utilisateurs augmente.
ePub
Il en va de même pour les formats ePub : livres et magazines numériques. Lisez bien les conditions de la licence, car vous devrez peut-être la renouveler si vous mettez à jour et publiez une nouvelle version d’un livre électronique, ou vous devrez peut-être acheter une nouvelle licence pour chaque numéro du magazine. Il peut également y avoir des exigences concernant le nombre de lecteurs.
Serveur
Si vous exercez une activité en ligne qui vend des produits personnalisables, vous avez besoin d’une licence de serveur. Elle est le plus couramment utilisée dans les plateformes d’impression à la demande, qui permettent aux clients de personnaliser des produits en marque blanche (comme des tee-shirts, des sacs…) avec leur propre composition en utilisant les polices fournies. Ce type de licence peut être limité dans le temps et vous devrez peut-être acheter une licence pour chaque CPU de votre serveur.
Annonces numériques
Un scénario courant est lorsque vous travaillez dans une agence de marketing pour concevoir des bannières HTML et/ou des publicités dynamiques intégrées numériquement pour vos clients. Les fontes que vous utilisez sont installées sur des sites web tiers pour la durée de l’annonce et nécessitent donc une licence appropriée.
Mais si vous utilisez des images pour les bannières publicitaires, vous aurez besoin d’une licence de bureau.
Libre
Il s’agit de la licence de fonte la plus populaire, mais aussi la plus délicate. La plupart des fontes gratuites proposées sur le marché n’ont pas la qualité que vous obtenez avec les fontes conçues par une fonderie réputée.
Souvent, les concepteurs préfèrent utiliser les catalogues de polices fournis par SIL, Apache, Google Fonts… Les fontes incluses sont livrées avec une licence Open Font (ou OFL) – une licence logicielle gratuite qui permet aux fontes d’être utilisées, modifiées et distribuées librement. Ce type de licence est aussi libéral que possible lorsqu’il s’agit de dériver une autre police à partir d’une fonte existante et même de la nommer (tant que les fontes résultantes restent sous l’OFL).
Licences supplémentaires
Celles-ci répondent aux besoins plus spécifiques des individus et des entreprises, entrant ainsi dans la catégorie de licence des fontes personnalisées. Les conditions et le prix sont évalués en fonction de spécificités du projet après une consultation avec les propriétaires de la fonte.
Diffusion
Les licences de diffusion font référence à tout ce qui concerne l’utilisation de la fonte pour la diffusion à l’écran via la télévision, un film ou une vidéo et en particulier pour le texte dynamique utilisé pour le titrage, les crédits, etc.
Jeux
Les licences de polices pour les jeux sont très similaires aux licences d’application et leur prix dépendra de la portée du jeu et du nombre d’utilisateurs qu’il pourrait potentiellement attirer.
Distribution analogique et création de produits
Les deux cas impliquent que la fonte elle-même est le principal ou l’un des principaux arguments de vente des produits. Comme les utilisateurs de ces produits peuvent créer leur propre composition, vous devrez obtenir une licence pour la fonte afin de profiter financièrement de cette activité sans enfreindre la loi. La distribution analogique peut inclure des produits tels que des timbres, des numéros de maison ou la fabrication d’étiquettes.
Pour ce qui est de la création de produits, il s’agirait des sites web ou des applications qui permettent aux clients de personnaliser, de tester et d’acheter des produits tels que des tasses, des aimants, des cartes de visite (Moo), etc. où la police est utilisée dans la conception du produit physique final.
Création d'applications
Des plateformes numériques (Canva, Studio photo PicsArt) permettent à leurs utilisateurs de choisir parmi un ensemble de fontes et de générer leurs propres dessins et images, qui sont ensuite utilisés à des fins personnelles et commerciales. Afin d’offrir cet ensemble de fontes aux utilisateurs qui paient des frais et des plans d’abonnement, ces entreprises se doivent d’acheter une licence de création d’application auprès des propriétaires des fontes.
Modèles de sites web
Si vous êtes le propriétaire d’une plateforme de publication de site web (SiteW, Orson, Wix, Squarespace) proposant aux clients des modèles de sites avec des options de typographie ensuite implémentées dans leurs sites web personnels et hébergés sur votre serveur, les fontes que vous intégrez dans les modèles nécessitent une licence appropriée et les clients ne doivent en aucun cas avoir accès aux fichiers des polices.
Intégration OEM
Vous développez et fabriquez un appareil tel qu’un écran de télévision, un téléphone, un ordinateur… et vous devez incorporer une police en tant que police résidente dans l’appareil : vous devez obtenir une licence pour cette fonte.
Illimité
Les licences illimitées sont plus appropriées pour les grandes entreprises, qui doivent utiliser une fonte sur autant d’ordinateurs qu’elles le souhaitent et à toutes les fins hors ligne dont elles pourraient avoir besoin. Cette licence couvre tous les environnements – des applications aux campagnes publicitaires – en permanence. Les licences illimitées sont négociées avec les propriétaires de fontes et sont évaluées en fonction de la portée de l’entreprise et des paramètres supplémentaires.
Exclusif
Le plus souvent, des licences de polices exclusives sont émises lorsqu’une entreprise ou une agence de design aborde une fonderie de caractères pour une police de caractères personnalisée sur mesure. Sous cette licence, le client serait alors la seule organisation à utiliser la fonte et la fonderie de caractères ne peut pas proposer ce produit numérique à d’autres clients. Le prix ici est flexible et dépend de la portée du projet.
Entreprise
Lorsqu’une entreprise s’approche d’une fonderie pour une conception de caractères sur mesure, cette dernière délivre une licence de fonte d’entreprise, qui peut couvrir toutes les utilisations pré-discutées de la police. Il est courant que la licence comprenne des droits transférables, de sorte que toutes les équipes externalisées supplémentaires (agences marketing ou de design) de l’entreprise sont autorisées à utiliser la police pour exécuter correctement les projets.
Le contrôle les licences
Lors de l’achat au détail ou du téléchargement de polices gratuites, vous devenez licencié et recevez une licence pour un usage spécifique. Les personnes qui ont des droits exclusifs sur une fonte numérique sont les seuls créateurs de ce produit logiciel. En revanche, ceux qui contrôlent les licences de polices peuvent être les créateurs, mais aussi les vendeurs des polices – comme les fonderies de caractères et les revendeurs comme MyFonts, FontSpring, FontShop…
La majorité des utilisateurs de produits numériques ne lisent pas les conditions générales lors du téléchargement ou de l’achat en ligne. Vous devez toujours recevoir un contrat de licence au préalable et lire le document avant de vous engager. Une fois que vous avez terminé la transaction, la licence ne peut pas être modifiée. Elle peut être révoquée (si vous avez enfreint le contrat) ou expirer (en cas de durée déterminée).
En résumé
Droit d'auteur pour les polices et les fontes
Aux États-Unis, la loi sur le droit d’auteur ne protège pas la conception artistique de la police de caractère mais protège le logiciel de police (la fonte). Depuis 1981 en Allemagne et depuis 1989 au Royaume-Uni, les dessins de caractères peuvent être protégés par le droit d’auteur en tant qu’œuvres originales. Le brevet de dessins est la protection la plus fiable. Elle expire au bout de trois ans mais peut être prolongée jusqu’à 25 ans.
Copie légale ou contrefaçon
Aux États-Unis, tant que vous ne copiez pas le logiciel fonte mais vous fabriquez le vôtre par le biais des logiciels de création (Glyphrstudio, FontArk, BirdFont, FontForge… pour ne citer que des gratuits), vous ne transgressez pas la loi. Cependant, il est nécessaire de changer le nom de la fonte car les marques commerciales sont protégées.
Ainsi, si vous observez attentivement certains sites de téléchargement de polices « gratuites », vous trouverez des fontes aux noms étranges mais avec une ressemblance déconcertante avec des fontes célèbres.